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Titel
Riti ed emblemi : processi di rappresentazione del potere principesco in area subalpina (XIII - XVI secc.).


Autor(en)
Gentile, Luisa Clotilde
Reihe
Corti e principi fra Piemonte e Savoia 2
Erschienen
Turin 2008: Silvio Zamorani
Anzahl Seiten
292 p.
Preis
URL
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Eva Pibiri

Dans ce livre issu d’une thèse de doctorat soutenue en cotutelle à l’université de Turin et à l’université de Savoie (Chambéry) en 2004, Luisa Gentile propose une monographie sur les processus de représentation du pouvoir princier, du XIIIe au XVIe siècle, au travers des rites et des emblèmes. La recherche est centrée sur les comtes, puis ducs de Savoie, mais le cadre d’investigation prend également en considération une branche cadette des comtes de Savoie, les princes d’Achaïe, seigneurs de Piémont – dynastie éteinte en 1418 –, les marquis de Montferrat et ceux de Saluces, en mettant en évidence que ces princes, malgré une géographie proche et des échanges récurrents, manifestaient de manière différente leur pouvoir par l’emblématique et le cérémonial.

Luisa Gentile a eu recours à des documents de typologie variée – des sources narratives, documentaires et iconographiques –, afin de saisir pleinement les manifestations du pouvoir princier. Cette documentation est évidemment distribuée de manière inégale au cours de la période envisagée, mais également au sein des principautés étudiées. C’est en effet seulement pour le début du XVIe siècle que sont conservés quelques rares mémoriaux, qui rendent compte du déroulement du cérémonial en Savoie et à Saluces, mais il n’existe rien d’équivalent pour le Montferrat et les princes d’Achaïe. Des chroniques sont, par contre, bien présentes pour les trois dynasties, ce qui permet de rééquilibrer la situation par rapport aux mémoriaux: Jean d’Orville dit Cabaret et Jean Servion pour la Savoie, Gioffredo Della Chiesa pour Saluces, Iacopo d’Acqui, Galeotto del Carretto et Benvenuto di San Giorgio pour le Montferrat.

Les sources documentaires, constituées notamment de comptes, sont conservées en premier lieu aux Archives d’État de Turin pour les quatre dynasties étudiées. À nouveau, une disparité est à signaler au niveau des documents qui nous sont parvenus; la cour de Savoie bénéficie, en effet, de beaucoup plus de documents que Saluces et le Montferrat, ce qui limite les possibilités de comparaison. Sur ce plan, la Savoie présente une situation exceptionnelle, étant donné que la comptabilité médiévale savoyarde représente des dizaines de milliers de comptes et constitue l’une des séries les plus considérables matériellement qui ait été conservée du Moyen Âge en Europe.

Luisa Gentile utilise également les sources iconographiques, numismatiques et sigillographiques pour les dynasties étudiées. Alors que les monnaies et les sceaux savoyards ont déjà été bien étudiés depuis le XIXe siècle, l’auteure met à jour la documentation pour les marquisats de Saluces et du Montferrat, permettant des comparaisons inédites.

L’ouvrage envisage dans un premier temps les gestes du pouvoir au travers du cérémonial déployé notamment lors des rites de passage, en se concentrant surtout sur les joyeuses entrées et les funérailles, en mettant en évidence leur fonction de propagande politique par l’entremise de l’emblématique. Comme le mentionne justement Luisa Gentile, la grande partie de ces événements ont déjà été étudiés pour la cour deSavoie; l’apport novateur de l’auteure provient, de fait, de la comparaison avec les autres cours, moins, voire pas, étudiées. Il en ressort ainsi une vue d’ensemble nouvelle, où chaque rite est replacé dans un contexte plus large – italien, français, bourguignon – pour en comprendre les spécificités et la chronologie.

L’étude des funérailles et des choix de sépulture des princes des différentes dynasties considérées permettent d’identifier des tendances communes, malgré les lacunes documentaires pour Saluces et le Montferrat. Le XVe siècle marque ainsi une rupture dans les pratiques funéraires. Les funérailles ont, en effet, perdu leur primauté quant à la transmission du pouvoir qui se fait, dès 1472, par l’acclamation du nouveau duc de Savoie devant et par l’assemblée des États et non plus au moment des obsèques. Ces dernières se limitent désormais à rendre hommage au mort.

De même, le choix des nécropoles dynastiques évolue au cours du XVe siècle, par l’abandon des anciennes fondations – l’abbaye d’Hautecombe pour les ducs de Savoie, l’abbaye de Staffarda pour les marquis de Saluces et l’abbaye de Lucedio pour les marquis de Montferrat – pour s’orienter vers les églises des ordres
mendiants des lieux de résidence de la cour: Saluces pour les marquis de Saluces et Casale Monferrato pour les marquis de Montferrat. La situation savoyarde présente la même rupture, mais est beaucoup plus dispersée quant au nouveau choix de sépulture, qui évolue, au gré des aléas politiques ou des visées des ducs, entre le couvent des franciscains de Rive à Genève (Louis de Savoie), la cathédrale de Verceil (Amédée IX), l’abbaye d’Hautecombe (Philippe II, Philibert Ier), l’église des franciscains de Pignerol (Charles Ier) et enfin la cathédrale de Turin (Emmanuel-Philibert), alors que cette ville était désormais la véritable capitale des États de Savoie, ainsi que le lieu de résidence par excellence de la cour.

Le pouvoir princier s’exprime également lors des joutes et des tournois qui permettent de réunir la noblesse autour de son prince et de célébrer l’entente militaire entre les sujets nobles. Les ordres chevaleresques participent aussi à ces manifestations du pouvoir qui se définissent de manière très différente au sein des dynasties étudiées. Il ressort très clairement de l’étude de Luisa Gentile que les Savoie utilisent beaucoup plus que les autres ce langage pour se représenter. En effet, alors que les Savoie fondent un ordre chevaleresque au XIVe siècle, l’Ordre du Collier, les plaçant au même niveau que les souverains et grands princes d’Occidents créateurs d’ordres, les princes d’Achaïe, les marquis de Saluces et de Montferrat n’en possèdent pas. Ils se contentent ainsi d’être passifs en étant membres de certains ordres sans en être les fondateurs. Il en va d’ailleurs de même pour les tournois, dont ils sont plus les participants que les organisateurs. Audelà d’une potentielle absence de volonté de représentation, ces princes n’ont surtout pas le poids politique et économique nécessaire à ces manifestations onéreuses qui permettent de rendre plus visible les hiérarchies entre le prince et ses vassaux, de renforcer la solidarité, de légitimer un pouvoir nouveau ou vacillant ou encore d’établir des alliances.

Cette absence de représentation en lien avec un poids économique restreint se retrouve aussi par l’absence, dans ces mêmes cours, d’hérauts d’armes. Ces spécialistes du cérémonial, de la représentation, de l’héraldique et des tournois, font partie intégrante de la magnificence du pouvoir et sont une source de prestige pour leur prince. Leur mobilité en fait des personnages clé de la propagande princière. Si des hérauts d’armes officiels sont présents à la cour de Savoie et des Achaïe dès le principat d’Amédée VI au XIVe siècle, les cours de Saluces et de Montferrat en sont privées. Il était en effet fort onéreux d’assumer la formation spécifique des hérauts: ces derniers sont de fait liés à des princes fastueux qui les emploient pour représenter leur autorité par cette catégorie professionnelle. Les hérauts participent d’ailleurs à la renommée de leur seigneur, étant donné que certains de ces hérauts d’armes ont laissé des textes de cérémonies; c’est le cas de Jean de Tournai, dit Bonnes Nouvelles, héraut du duc Charles II de Savoie, qui est à l’origine du texte ayant permis de connaître les fêtes du baptême d’Emmanuel-Philibert, fils du duc, en 1528.

L’auteure poursuit son enquête en questionnant les insignes du pouvoir dynastique, les Herrschaftszeichen. S’ils sont nombreux pour les Savoie: l’épée de justice (seconde moitié du XIIe siècle), l’anneau de Saint Maurice (XIIIe siècle), le béret et le manteau, ajoutés depuis l’obtention du titre ducal en 1416, ils sont presque absents pour les princes des autres dynasties étudiées, qui se représentent simplement comme des princes-chevaliers. Des changements sont néanmoins perceptibles en période de crise, quand le pouvoir est fragile. C’est effectivement en ces occasions que des objets symboliques sont utilisés pour marquer la souveraineté, comme en 1507, lorsque Marguerite de Foix, marquise de Saluces, fait porter une épée dorée devant son fils mineur, Michele Antonio, lors de son entrée à Carmagnola et à Saluces. C’est plus par la représentation par l’image, dans les cycles héraldiques monumentaux notamment, que ces princes expriment leur pouvoir, dans un discours moins onéreux, mais néanmoins compréhensible de tous.

Les ducs de Savoie se distinguent donc des autres princes par l’élaboration d’une Staatsymbolik complexe. Cette utilisation va d’ailleurs de pair avec la construction et la consolidation de l’État, la recherche d’une majesté, d’une sacralité et la distinction du prince du reste de la société. Elle est surtout liée à des princes emblématiques comme Amédée VI, Amédée VIII et, dans une moindre mesure, Charles II.

Luisa Gentile présente donc un ample panorama, convaincant et riche, qui propose une très bonne synthèse des rituels savoyards de représentation du pouvoir déjà connus, mais de manière dispersée, ainsi qu’une approche nouvelle et bienvenue sur les dynasties d’Achaïe, de Saluces et de Montferrat qui n’avaient pas encore bénéficié de l’intérêt des historiens en la matière. L’analyse commune de ces quatre principautés a surtout permis de démontrer que la représentation du pouvoir pouvait s’exprimer de manière fort différente au sein de cours proches géographiquement et qui partageaient, qui plus est, les mêmes influences externes, mettant ainsi en exergue leurs spécificités propres.

Signalons également que l’ouvrage est enrichi de 55 illustrations, dont de nombreuses en couleurs, et complété par des arbres généalogiques et une carte.
Un regret toutefois au terme de la lecture de ce beau livre. Il aurait été souhaitable de pouvoir bénéficier d’une bibliographie générale, un outil de travail nécessaire pour une étude de cette ampleur.

Citation:
Eva Pibiri: Compte rendu de: Luisa Clotilde GENTILE, Riti ed emblemi. Processi di rappresentazione del potere principesco in area subalpina (XIII-XVI secc.), Turin: Silvio Zamorani (coll. Corti e principi fra Piemonte e Savoia, 2), 2008. Première publication dans: Revue historique vaudoise, tome 120, 2012, p. 434-436.

Redaktion
Veröffentlicht am
06.12.2013
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Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
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